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RANOU-CASSEGRAIN
VENTE LE
20 NOVEMBRE 2024
EXPOSITION À PARIS
JUSQU'À LA VENTE
DAS HAUS AUF DEM KÜSSEL
L'HISTOIRE DE CLAIRE ET GÜNTHER LOEWENFELD ET D'UN INTÉRIEUR ALLEMAND D'AVANT-GARDE EN 1931-1932
Ludwig Mies van der Rohe et Lilly Reich collaborèrent, entre 1927 et 1937, à de nombreux projets qui contribuèrent au rayonnement de l’architecture moderne. Abordant leurs réalisations selon l’idée de l’œuvre d’art totale, ils planifièrent et imaginèrent ensemble chacun de leurs aspects tant techniques qu’esthétiques. L’’intérêt de Mies van der Rohe pour la création de mobilier naquit de ses échanges avec Lilly Reich. De nombreux modèles, pensés par les deux architectes, virent alors le jour au gré de leurs commandes, publiques ou privées, et peuplèrent bientôt les nouveaux habitats modernes, furent-ils ou non conçus dans leur entièreté par le duo.
Ainsi, au début des années 1930, un jeune couple, Claire et Günther Loewenfeld, fit l’acquisition d’une suite de six fauteuils en métal tubulaire du modèle MR 50, conçu par Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969), et d’une table rectangulaire au piètement en métal tubulaire, pensée par sa collaboratrice Lilly Reich (1885-1947) – afin de meubler la salle à manger de leur maison de Potsdam, située sur la péninsule de Küssel, en Allemagne.
Entre 1923 et 1925, les Loewenfeld avaient pour habitude de passer l’été avec leurs amis Fritz et Lily Pincus dans une maison qu’ils louaient à Glienicke, près de Potsdam. En mai 1925, les deux couples prirent la décision de quitter définitivement Berlin et d’emménager dans une même maison, située Küsselstrasse 40-41, à Hermannswerder, sur le lac de Templin, où les deux familles vécurent de manière indépendante.
En 1931, cherchant à augmenter et à fusionner leurs espaces de vie, les Loewenfeld et les Pincus décidèrent avec l’accord de leur propriétaire Cläre Horn, d’adjoindre à cette maison ancienne un bâtiment de conception moderne. Il fut construit sur le terrain voisin (dont ils étaient propriétaires) et fut rattaché à la partie déjà louée par le biais d’un édifice « connecteur » à toit plat, munis de baies vitrées, qui abrita bientôt leur salon commun et leur bibliothèque (1) . Naquit ainsi cette construction assez étonnante, conséquente de la nécessaire distinction juridique des deux parcelles. Le nouveau bâtiment devait respecter une distance définie de la maison ancienne et une autorisation fut obtenue pour combler celle-ci par une structure intermédiaire.
Le projet fut conçu par les architectes Alfred Lucas et Stephan Hirzel qui en firent la description au sein de la revue Die Form en janvier 1933 (N° 1), dans un article intitulé Das Haus auf dem Küssel – titre qui donna bientôt son nom à la maison. Le reportage est illustré de photographies de l’intérieur de l’habitation, et témoigne de la présence au sein de celle-ci de nombreuses pièces de mobilier moderne, à l’époque sélectionnées « parmi la gamme actuelle de produits de série de haute qualité » (2). Sont identifiables des créations de Marcel Breuer, notamment les modèles B 5 et B 35 (au catalogue Thonet de 1931), ainsi que les célèbres chaises MR 10 et MR 20 de Ludwig Mies van der Rohe – exemplaires tous perdus aujourd’hui. Dans ce projet, « le salon et la salle à manger de l’ancien bâtiment représentent une tentative de concilier les articles ménagers typiques de [l’]époque avec les meubles [du passé] » (3), présentant, à côté des pièces de mobilier ancien, nos six fauteuils MR 50 autour de la table rectangulaire imaginée par Lilly Reich – quant à eux parvenus jusqu’à nous.
Durant la seconde moitié des années 1930, les Lowenfeld furent contraints, parce que juifs, de fuir leur pays, en proie à la montée du nazisme. En 1938, ils s’exilèrent en Angleterre et s’établirent dans le Buckinghamshire – ayant pu emporter avec eux une partie de leurs biens, notamment la suite de six chaises MR 50 et la table de salle à manger moderniste. Traversant les générations, ils furent par la suite transmis à leurs descendants et les suivirent à travers leurs déménagements en Angleterre, puis dans le Sud de la France, à Vence, où leur fils s’installera au moment de sa retraite en 2008. Des restaurations avaient été apportées dans les années 1970 ; aux garnitures et tapisseries de cuir, chez Gomme, tapissier de High Wycombe en Angleterre, ainsi qu’un nouveau chromage rendu nécessaire du fait des oxydations sur le métal dues au temps.
Redécouvert aujourd’hui, cet ensemble mobilier constitue le témoin essentiel de l’émergence d’un habitat moderne, voire d’avant-garde, au début des années 1930 en Allemagne – dont les principes furent largement soutenus et initiés par Ludwig Mies van der Rohe et Lilly Reich, leurs créateurs.
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(1) Voir : Jörg Limberg, « Potsdam, Moderne und Tradition, Zur Baukunst von 1919 bis 1933 » in Brandenburgische Denkmalpflege – Volume 20, N° 2 de 2011, p. 55-57.
(2) Stephan Hirzel et Alfred Lucas in Die Form, Zeitschrift für Gestaltende Arbeit – Volume VIII, N° 1 de janvier 1933, p. 8.
(3) Ibid.
LUDWIG MIES VAN DER ROHE · SUITE DE SIX CHAISES MR 50
LILLY REICH · TABLE MODERNISTE